Faut-il confier à chaque enfant des écoles de France la mémoire d’un enfant juif mort en déportation, comme vient de le préconiser le président Sarkozy ?
«Non !» L’enseignant Jean-Christophe Sellin s’y oppose. Et pour tout dire, cette initiative de l’Elysée lui «hérisse le poil».
L’avis de cet instituteur toulousain n’est pas un avis en l’air, ou parmi d’autres. Jean-Christophe Sellin a été chargé des questions d’éducation au bureau national de Sos-Racisme de 1988 à 1993. Il a été ces mêmes années coordonnateur la semaine internationale de lutte contre le racisme avec la Ligue de l’Enseignement.
Il anime aujourd’hui l’association Classisco qui organise un ciné-concert pour 500 élèves de CM2, le 21 mars au TNT, autour du thème de la Résistance et de la Déportation
«Avec son air de décider de tout, Nicolas Sarkozy s’attribue le travail des enseignants qui travaillent depuis des mois à l’organisation de la semaine internationale contre le racisme, reprend l’instituteur. Ce n’est pas au président de la République de décider comment se construit le savoir des enfants. La liberté pédagogique est une de nos valeurs essentielles. J’en ai marre d’apprendre ce que je vais devoir faire en allumant la radio le matin dans ma salle de bain».
Le ciné-concert du 21 mars présentera des images muettes d'enfants derrière les barbelés et le quatuor n°8 de Chostakovitch justement dédié par son auteur aux victimes du nazisme.
Et c’est là qu’intervient le pédagogue professionnel membre de l’Education nationale Jean-Christophe Sellin : «L’extermination des juifs a été le point culminant de l’entreprise nazie. Mais de 1933 à 1938, ce sont d’abord les opposants politiques allemands qui sont allés en camp. Les homosexuels ou les enfants tziganes n’ont pas été moins massivement victimes».
L’éducation, la «construction du savoir» ne vaut que si le phénomène est appréhendé dans son entier, dit-il. La «victimisation» d’une seule catégorie de ces victimes serait une «réduction» de la mémoire de ces temps obscurs.
Le mélomane anti-raciste se dit heureux de travailler avec le musée départemental de la Résistance et de la Déportation dans la préparation de cette semaine de lutte. Ce musée présente selon lui «pédagogiquement» ce qu’a été la politique exterminatrice nazie. Loin, conclut Sellin du «coup politique lancé par Sarkozy en mal de popularité».
Le débat est en tout cas rouvert en grand.
GLv
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